Le témoignage de Léa Feldblum sur la déportation des enfants juifs d’Izieu

23 avr. 2024

Le drame de la colonie d’enfants réfugiés de l’Hérault

Au moment de l’internement des étrangers lors de l’hiver 1940-1941 puis lors de la rafle d’août 1942, Sabine Zlatin, assistante sociale de l’OSE (Œuvre de secours aux enfants), réussit à faire sortir du camp d’Agde les enfants de moins de 15 ans, notamment grâce à l’intervention de la Préfecture. Avec la complicité de l’abbé Prévost, ces enfants sont hébergés successivement à Palavas et à Lodève avant de se réfugier dans l’Ain, à Izieu. Les 34 enfants et leurs éducateurs, dont Léa Feldblum, sont arrêtés le 6 avril 1944 sur ordre de Klaus Barbie puis déportés à Auschwitz le 13 avril 1944. Léa Feldblum sera la seule rescapée. En juillet 1945, elle est rapatriée à Montpellier. Le 11 juillet 1947, Léa Feldblum embarque à Sète sur l’Exodus à destination de la Palestine. Elle est de retour en France en 1987 pour témoigner au procès de Klaus Barbie, puis s’éteint deux ans plus tard à Tel-Aviv. Dans l’Hérault, le drame d’Izieu hante particulièrement les consciences et La Voix de la Patrie y consacre déjà un long article en janvier 1946.

Le témoignage de Léa Felblum

Dans le fonds d’archives privées de l’Association départementale de l’Hérault de la Fédération nationale des déportés, internés et résistants patriotes [FNDIRP] (168 J) est conservé un précieux témoignage sur le drame d’Izieu. Léa Feldblum rapporte en effet, dans un formulaire d’adhésion à l’association en 1945, l’arrestation des enfants, l’enfer de la déportation et la mise en œuvre de la "Solution finale" :

Transcription

"Arrêtés à la colonie d’enfants par dénonciation, nous étions conduits, les 46 enfants de l’âge de 4 à 14 ans et le personnel à Lyon où on nous a fait partir le lendemain à Drancy. Sans commentaires. Après 6 jours de démarches veines je me suis proposée de poursuivre le convoi avec les enfants. Trois jours et deux nuits de voyage dans wagon à bestiaux plomber. La lumière perçait malgrer les fenêtres cloués des planches. Sans eau, sans savoir où on nous conduisait, les petits conservaient leurs sourire et de temps à autre ils venaient se réfugié près des grands personnes pour demender vers ou on allait. Enfin une porte s’est ouverte et on nous a laissés sortir en bien nous recommandant de laisser tous les bagages sur place soit disant ils nous suivront. […] Rangés par 5 nous devions passer devant un officier Boche qui criait et sur chaque 100 personnes en retire une qui lui semblait assez forte pour subir le martyre. Tout d’un coup j’entends un bruit et on m’arrache de mes petits. Aucune protestation ni les pleurs n’aident pas. Voilà la première sellection. Mise de côté avec 200 autres femmes, je regarde mes petits qu’on chari sur des camions. Je me révolte, je veux les approcher, rien à faire, on nous sépare par un cordon des soldats avec des mitraillettes. […] Jamais ne pourra s’effacer du cœur d’une femme le visage anxieu des enfants innocents qui n’ont jamais revu le pays ou ils s’amusaient si bien. Lea"

L'exposition "C'étaient des enfants"

Du 4 avril au 30 septembre 2024, le Musée-mémorial de la Maison d’Izieu présente "C’étaient des enfants", une exposition qui, grâce à des documents originaux et objets inédits, transporte le public au début de l’année 1944. La sérénité du quotidien des enfants à la Colonie vient s’opposer à la crainte du danger imminent et à la violence de la rafle. S’ensuivent les premiers contours de la mémoire, esquissés par les requêtes des familles et les témoignages des proches. L’engagement des plus tenaces à ne pas oublier conduira à l’inauguration du mémorial en 1994.

Pour aller plus loin

Découvrez le dossier du Concours national de la Résistance et de la Déportation 2023-2024, "Résister à la Déportation en France et en Europe" :

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